« Content que l’histoire se termine comme je l’espérais »
20 novembre 2018
En s’engageant dans la 11e édition de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe, Yoann Richomme avait d’office annoncé la couleur : il venait pour gagner et rien d’autre. Le skipper de Veedol – AIC a donc remporté son pari, ce jeudi. A 17h22 (heure de Paris), il a en effet franchi en vainqueur la ligne d’arrivée à Pointe-à-Pitre après avoir fait preuve d’audace mais aussi et surtout de beaucoup de maîtrise, en témoigne sa trajectoire quasi parfaite, notamment lors de la première semaine de course, qui lui a permis de n’avoir, ensuite, plus qu’à gérer son avance. Et quelle avance ! De fait, alors que l’on s’attendait à ce que la première place chez les Class40 se joue à la photo finish, le navigateur s’est imposé avec un matelas de 120 milles sur ses poursuivants les plus proches, s’octroyant au passage le nouveau temps de référence de l’épreuve dans sa catégorie (16 heures, 3 jours, 22 minutes et 44 secondes). Voilà ce que l’on appelle une sacrée performance. Un franc succès même, surtout si l’on se souvient que sa monture n’a été mise à l’eau qu’en juin dernier et qu’il ne s’agissait là que de sa première participation à la transat mythique. Entretien à chaud.
Que ressentez-vous dans l’immédiat ?
« Ce que l’on ressent dans ces moments-là, c’est toujours un peu bizarre mais évidemment, je suis très content que l’histoire se termine comme je l’espérais. A 24 heures de l’arrivée, j’ai pourtant eu un peu de casse. J’ai, en effet, pété mon bout dehors. Bien que ce ne soit pas une avarie très grave, ça m’a tout de même mis un petit coup de stress. Ca m’a clairement prouvé que j’avais bien fait de gérer ma course et de ne pas attaquer trop tôt car le bateau n’était quand même pas au top en termes de préparation. Il faut dire que le temps depuis juin est passé vite, surtout avec le démâtage qui j’ai subi dans la foulée de ma victoire dans la Drheam Cup. J’ai souvent senti que j’étais un peu limite à deux ou trois endroits, même si je n’avais pas anticipé le problème de bout dehors. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai constamment dosé. Constamment, constamment. En tous les cas, ce qui est certain, c’est que le Lift40 est une machine dotée d’un énorme potentiel et qu’il est très solide. A ce sujet, je tire d’ailleurs mon chapeau à l’architecte et au constructeur. Je ne regrette pas mon choix ».
Sur quoi avez-vous le sentiment d’avoir vraiment fait la différence ?
« C’est clairement avec la stratégie que j’ai mise en place lors de deux premiers jours de course, en me décalant dans l’ouest, c’est-à-dire en acceptant d’aller chercher le gros temps plutôt que d’essayer de le fuir. A partir de ce moment-là, je me suis toujours retrouvé dans une meilleure position que les autres car non seulement j’ai été le premier à bénéficier de la bascule du vent au nord-ouest mais en plus j’ai pu exploiter tout le potentiel du bateau au reaching jusqu’à ce que l’on passe sous l’anticyclone des Açores. Pendant quatre ou cinq jours, j’ai vraiment navigué en mode Figariste en étant à fond sur les veilles, les petits sommeils, les réglages… Cela m’a permis d’accélérer franchement. La preuve, lors de cette phase, j’ai réussi à toujours avancer entre un et deux nœuds plus vite que mes concurrents. Je me suis alors vraiment retrouvé dans le scénario que j’avais mis au point juste avant le départ avec Corentin Douguet et ça a vraiment le moment clé de ma course. »
Avez-vous trouvé cette transat très engagée ?
« Clairement. Au niveau de la météo, ça a été dur c’est vrai, mais en réalité, ce que j’ai trouvé le plus difficile, c’est la vie à bord. Avec mon timing un peu court de préparation, je n’ai pas pris le temps de soigner le confort et franchement, ça a été juste un enfer. Lorsque je suis arrivé sous le vent de la Guadeloupe, j’ai carrément ressenti du soulagement après deux semaines de bruit en permanence. Très souvent, j’ai navigué avec un casque anti-bruit mais j’ai aussi dû absorber les bonds à répétitions du bateau dans tous les sens. Ça a été hyper dur de dormir et par moment, j’ai trouvé que c’était à la limite de la torture. Je pense que j’ai été confronté à la même chose que ce que vivent les gars sur les derniers IMOCA. Le plaisir a, je dois l’avouer, été assez limité surtout que je n’ai pas beaucoup eu de bagarre avec les autres. Stratégiquement, ma course était intéressante parce qu’il fallait que je me place par rapport à eux mais je pense franchement que Phil Sharp et Aymeric Chappellier ont fait une régate plus intéressante que la mienne ».
Que ce soit dans vos choix techniques ou dans vos choix stratégiques, vous n’êtes pas loin du sans-faute…
« Ce n’est pas à moi de dire ça mais en tous les cas, je suis content de ce que j’ai fait, même si j’ai commis deux ou trois petites bourdes. J’ai vraiment senti que je pouvais me reposer sur l’expérience de mes précédentes transats et notamment sur celle réalisée en IMOCA. Mon année 2017 en 60 pieds m’a vachement aidé. Ce qui m’a toutefois le plus étonné, c’est d’avoir eu le sentiment d’être systématiquement bien en phase avec les systèmes, d’être serein dans mes choix… En fait, j’ai ressenti ce que j’avais ressenti lors de la Solitaire du Figaro 2016 que j’ai aussi gagnée et c’était top. »
Pour vous, on imagine que cette Route du Rhum peut servir de tremplin…
« En tous les cas, je l’espère. L’objectif, c’était de la gagner. A présent, je ne sais pas qui voudra bien me suivre dans une autre aventure, plus grande, plus grosse, plus longue… J’ai forcément envie qu’il sorte quelque chose de positif de cette expérience et de ce beau résultat, que ce soit en Class40, en IMOCA ou sur un autre support, mais dans l’immédiat, j’avoue que j’ai besoin de faire un bon break parce que je suis vraiment cramé. Ça a vraiment été intense. »